CSDDD ( Corporate Sustainability Due Diligence Directive) et devoir de vigilance
L’Initiative de Directive sur le Devoir de Vigilance des Entreprises en matière de durabilité, ou en anglais Corporate Sustainability Due Diligence, abrégée en «CSDD» ou «CSDDD», constitue une démarche fondamentale de l’Union Européenne pour ancrer le développement durable au cœur de l’univers des affaires. La CSDDD est une directive à l’échelle de l’union européenne adoptée par le Conseil européen et le Parlement européen le 24 mai 2024. Elle vise à favoriser un comportement responsable des entreprises ; les entreprises européennes, répondant à des conditions, devraient mener des opérations de « diligence requise » (ou due diligence) sur leur chaîne d’activité, afin d’identifier, de prévenir et de remédier aux incidences négatives pour les droits humains et environnementaux. Les entreprises sont donc maintenant considérées responsables de l’ensemble des maillons composant leur chaîne de valeur, leurs filiales aussi bien que leurs partenaires commerciaux.
Objectif de la CSDDD
Lien avec la CSRD
Le but de cette directive est de renforcer la protection de l’environnement et celle des Droits de l’Homme. Ainsi, les entreprises concernées, leurs filiales et leurs partenaires commerciaux se doivent d’identifier, de prévenir, de diminuer et de traiter tous les impacts négatifs liés à leurs activités. Elle est élaborée pour promouvoir une pratique commerciale qui soit à la fois durable et éthique au sein des entreprises européennes. Elle s’ancre sur les principes fondamentaux de la durabilité, visant un triple objectif : la protection de l’environnement, la garantie de l’équité sociale et le soutien à une économie forte et durable.
Elle s’inscrit dans la lignée du Pacte vert pour l’Europe (Green Deal) visant à réduire d’au moins 55 % l’émission de gaz à effet de serre avant 2030 et à atteindre la neutralité carbone mondiale d’ici 2050. Elle complète ainsi la directive liée aux rapports de développement durable (CSRD).
Afin de respecter le devoir de vigilance en matière de durabilité, les entreprises devraient :
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Intégrer le devoir de vigilance au sein des politiques internes avec une mise à jour annuelle
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Recenser les incidences négatives réelles ou potentielles sur les droits de l'homme et l'environnement
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Prévenir ou atténuer les incidences potentielles : Prendre des mesures préventives ou correctives pour éviter, minimiser, ou rectifier les impacts négatifs, y compris l’élaboration de plans d’action spécifiques et le soutien aux PME partenaires.
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Mettre un terme aux incidences réelles ou les réduire au minimum
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Établir et maintenir une procédure de réclamation : Établir un système accessible de traitement des réclamations pour les parties prenantes.
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Contrôler et évaluer l’efficacité de la politique et des mesures de vigilance : Contrôler régulièrement l’efficacité des actions engagées, avec des évaluations au moins annuelles.
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Transparence et communication : Rapporter publiquement et annuellement les efforts de vigilance via le site web de l’entreprise, sauf pour celles déjà soumises à la directive 2014/95/UE sur la divulgation d’informations non financières.
Les entreprises concernées devront prendre des mesures appropriées (obligation de moyens), en fonction de la gravité et de la probabilité des différentes incidences, des mesures dont elles disposent dans les circonstances particulières et de la nécessité de fixer des priorités.
Afin que le devoir de vigilance soit effectif, la proposition de directive introduit également l'obligation pour les administrateurs de mettre en place et de superviser la mise en œuvre du devoir de vigilance, ainsi que de l'intégrer dans la stratégie d'entreprise.
La directive CSDD s’aligne avec la Directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD), renforçant la transparence et la responsabilité en exigeant des rapports détaillés sur les impacts environnementaux et sociaux. Cette synergie entre les deux directives vise à créer un écosystème réglementaire complet pour le développement durable au sein de l’UE, favorisant une meilleure divulgation des informations et stimulant les investissements verts.
Entreprises concernées
La proposition de directive CSDD est plus ambitieuse que les législations nationales existantes, y compris française, et élargirait le champ des entreprises concernées. La loi française impose un critère unique et des seuils élevés (emploi direct ou indirect de 5 000 salariés pour les entreprises établies en France et de 10 000 salariés pour les entreprises étrangères ayant une activité en France). La proposition de directive propose quant à elle, d’inclure le nombre de salariés et le chiffre d’affaires annuel net, ainsi qu’un critère supplémentaire de prise en compte du risque attaché à certains secteurs d’activité.
Il est à noter que le déploiement de cette directive sera progressif selon la taille de l’entreprise.
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5 juillet 2024 : Publication au Journal Officiel de l’Union européenne
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25 juillet 2024 : entrée en vigueur de la directive
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Juillet 2026 : Les États membres ont jusqu’au 26 juillet 2026 pour transposer la directive en droit national.
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Mise en application progressive pour les entreprises :
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26 Juillet 2027 : les entreprises de l’UE employant plus de 5 000 employés et réalisant un chiffre d’affaires annuel net mondial de 1 500 millions d’euros CSDDD – iDÉE
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26 juillet 2028 : les entreprises de l’UE employant plus de 3 000 employés et réalisant un chiffre d’affaires annuel net mondial de 900 millions d’euros
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26 Juillet 2029 : les entreprises de l’UE employant plus de 1 000 employés et réalisant un chiffre d’affaires annuel net mondial de 450 millions d’euros
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Ainsi, la directive couvrirait, selon les estimations de la Commission, quelque 11 900 sociétés européennes – dont 1 582 françaises – et 6 000 sociétés non européennes actives dans l'Union.
La proposition de directive CSDD devrait également, à la différence de la loi française du 27 mars 2017, prévoir la création ou la désignation d’autorité(s) administrative(s) nationale(s) chargée(s) de surveiller la mise en œuvre du devoir de vigilance des sociétés qui disposerai(en)t de prérogatives d’enquête et de sanction administrative.
Les PME ne relèvent pas directement du champ d’application de la directive. Elles n’ont donc pas d’obligations. Toutefois, elles peuvent être touchées en tant que partenaires commerciaux directs ou indirects dans la (les) chaîne(s) d’activités des grandes entreprises qui entrent dans le champ d’application. A ce titre, elles peuvent recevoir des demandes de collecte et de partage d’informations sur les incidences négatives réelles ou potentielle, et de traitement de ces incidences conformément aux obligations de l’entreprise concernée.
La directive complète d’autres initiatives récentes de l’UE visant à protéger les droits de l’homme et de l’environnement, telles que le règlement sur la déforestation ou le règlement sur le travail forcé.
Comment aborder concrètement la CSDDD ?
Afin que votre entreprise soit conforme à cette directive européenne il faudra :
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Créer une politique de vigilance fondée sur le risque, en ayant pris la peine de consulter toutes les parties prenantes. Elle doit inclure une description de l’approche de l’entreprise en matière de vigilance, un code de conduite et un processus de mise en place des due diligences.
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Établir une cartographie des risques que l’entreprise fait peser sur les droits sociaux et environnementaux afin de les identifier, de les analyser et de les hiérarchiser. La Directive précise la méthodologie pour hiérarchiser les risques selon leur gravité et leur probabilité. En outre, les annexes de la Directive répertorient les textes de référence sur la protection des droits humains et de l'environnement, essentiels pour identifier les incidences négatives.
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Définir les mesures à prendre pour prévenir ou atténuer les incidences négatives potentielles identifiées. La CS3D propose plusieurs exemples de telles mesures, dont par exemple l’adoption de codes de bonne conduite, la mise en place de plan d’actions de remédiation, la réalisation d’investissements...
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Effectuer des évaluations régulières des activités et mesures mises en œuvre par l'entreprise, ses filiales et ses partenaires commerciaux pour suivre l’efficacité des mesures mises en place mais aussi les éventuels nouveaux risques qui pourraient découler de leur activité.
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Développer une procédure de plainte et un mécanisme de notification.
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Adopter et mettre en œuvre un plan de transition pour l’atténuation du changement climatique permettant de garantir la compatibilité entre leur stratégie commerciale et la limitation du réchauffement planétaire à 1,5 °C, afin de respecter l’accord de Paris. Le résultat n’est évidemment pas garanti mais les entreprises se doivent de déployer tous les efforts possibles.
Sanctions encourues pour non-respect de la directive
Le Parlement européen estime que chaque Etat doit définir les sanctions en cas de nonconformité à la directive mais conseille que le pire des cas soit une amende représentant 5 % du chiffre d’affaires net mondial de l’entreprise. Les États membres se doivent aussi de nommer des « organes de contrôle » indépendants et chargés de vérifier le bon respect de la CSDDD. Ils sont ainsi autorisés à imposer des sanctions, à demander des informations complémentaires aux entreprises, de prendre des mesures temporaires en cas de risque grave de préjudice, d’ordonner aux entreprises de cesser toute violation définie par la CSDDD et de prendre en conséquence des mesures de rectification.
De plus, toute sanction rendue par ces organes de contrôle sera d’ordre public pendant au moins 5 ans. Le Réseau européen des autorités de surveillance y aura accès afin de connaître les entreprises fautives.